Articles universitaires

 L’utilitarisme et l’éthique médicale

Leclercq Emmanuel
Janvier 2011
Doctorant en philosophie
Réflexion philosophique.

 

 L’utilitarisme et l’éthique médicale

 

L’utilitarisme est une forme de conséquentialisme : il évalue une action (ou une règle) seulement selon ses conséquences, ce qui le distingue surtout de nombreuses morales de type déontologiques, comme le kantisme, pour lesquelles la morale doit être évaluée indépendamment de ses conséquences. On peut résumer le cœur de la doctrine utilitariste par la phrase : « agis toujours de façon à ce qu’il en résulte la plus grande qualité de bonheur (principe de bonheur maximum). Il s’agit par conséquent d’une morale eudémoniste, mais qui à l’opposé de l’égoïsme, insiste sur le fait qu’il faut considérer le bien- être de tous et non le bien- être du seul agent acteur. L’utilitarisme est donc un conséquentialisme eudémoniste.

Cependant cette définition minimale du principe d’utilité ne doit pas masquer les nombreuses différences existantes entre les dispositifs utilitaristes : utilitarisme hédonistes, utilitarisme indirect, utilitarisme de l’acte contre l’utilitarisme des prédilections. Ce sont avant tout Jeremy Bentham et John Stuart Mill qui ont donné une forme systématique au principe d’utilité et on entrepris de l’appliquer à des questions concrètes. Dans le premier chapitre de son Introduction to Principles of Morals and Legislation dont la première édition date de 1789, Benthman expose le concept central d’utilité : « Par principe d’utilité, on entend le principe selon lequel toute action, quelle qu’elle soit, doit être acceptée ou désavouée selon sa tendance à augmenter ou à diminuer le bonheur des parties affectées par l’action. On sert à désigner par utilité la tendance de quelques chose à générer bien-être, avantages, joie, biens et bonheur ».

Il suffit par conséquent de ne pas diminuer le concept d’utilité à son sens courant de moyen en vue d’une fin immédiate donnée.

 

Parmi les philosophies qui influent sur l’exercice médical, l’utilitarisme a donc une place importante. Ce courant philosophique, comme nous l’avons vu brièvement régit la pensée anglo-saxonne depuis maintenant deux siècles, et son influence, sur nos pratiques ne cesse de s’accentuer, en particulier dans le domaine de l’éthique appliquée (euthanasie par exemple). Comme nous le savons cette doctrine « enseigne qu’une action ne peut être jugée moralement bonne ou mauvaise qu’en raison de ses conséquences bonnes ou mauvaises pour le bonheur des individus concernés ». Ainsi le bonheur – éviter la douleur et rechercher le plaisir – devient-il la fin de toute vie humaine (« welfarisme »), la valeur unique. Ainsi l’utilité (tout ce qui procure satisfaction) devient-elle le seul fondement de la vérité. Tel est en quelques sortes, ce qui fonde le bien et le mal. A ce critère s’ajoute un impératif moral, qui est celui de maximiser le bien : « produire le plus grand bonheur pour le plus grand nombre », selon la thèse de Bentham (« prescriptivisme »). Enfin l’action morale est évaluée en fonction de ses conséquences sur l’individu et le collectif (« conséquentialisme ») : faire le bien suppose une évaluation au cas par cas qui tiennent compte des effets prévisibles de l’acte. En d’autres termes, il ne peut y avoir ici de critère a priori pour juger l’action.

L’utilitarisme rejette donc toute morale déontologique dans laquelle c’est le respect de principes indépendants qui donne son caractère moral à l’acte. C’est en ce sens, l’antithèse de la position kantienne pour laquelle l’action morale doit s’exercer sans tenir compte de ses conséquences.

 

Alors que la science est aujourd’hui omniprésente, on observe une attitude plutôt critique à son égard. Depuis les Lumières, la progression des connaissances était associée à l’idée d’un bonheur futur. Le progrès de la connaissance (scientifique) et le progrès moral (aboutissant en particulier au bonheur) ne vont plus de pair aujourd’hui. Il n’est plus possible d’ »associer la connaissance et les valeurs comme étant les deux faces d’une même réalité. (ce qu’avait finalement fait Kant : l’esprit humain étant composé de l’entendement qui sert pour la connaissance et la Raison essentielle pour la morale). Ainsi aujourd’hui la science est confrontée à un relativisme et un scepticisme fort à son égard. Les rapports moraux traditionnels ont été dissous et les êtres humaines adoptent envers l’avenir une attitude de méfiances voire de défiance.

La science et la technique sont associées (on parle de techno-sciences par exemple) et cette technique de progrès constant est de plus en plus réduite à un outil à la disposition des envies de confort des consommateurs contemporains.

Comme le scientifique, le philosophe cherche des vérités, mais ce ne sont pas des vérités observables, démontrables et obtenues par une méthodologie rationnelle définie strictement selon le schéma Hypothèse – expérience – conclusion.

En effet parmi les questions que se posent l’homme, la question du Bien se pose, mais aussi celle du savoir comment agir, quelles sont les actions bonnes… Y a-t-il des normes de types morales ? La liaison entre le théorique (la connaissance) et le pratique (l’action) est elle indissociable en philosophie ?

Ainsi l’éthique a une place central dans la philosophie car elle s’interroge sur le fait de savoir comment nous devons agir : qu’est ce qu’une action bonne ? Au nom de quels critères évaluer une action ou un comportement ? Qu’est ce le bien ? Et face à la science et la technique, l’éthique s’interroge sur les actes présents et futurs, sur les possibilités fournies par la technique et leur implication sur l’humanité en tant qu’espèce ou sur les individus en particuliers.

 

 

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